Discours d’ouverture

Samedi 16 mai 2009 PDF - 106.8 ko
Sandro Rossetti, président, ouvre la troisième session du Forum "art, culture et création".

3ème discours d’ouverture, lu par Sandro Rossetti, président de l’association pour le Forum « art, culture et création »

Mesdames, Messieurs,

On nous avait dit : ne le faites pas ! Vous allez vous bouffer le nez, vous tirer une balle dans le pied, vous manger la laine sur le dos ! Ne le faites pas ! On sait déjà ce qui va en sortir : des pleurnicheries sur l’artiste pauvre, des fanfaronnades sur l’artiste rebelle, des lieux communs sur l’artiste incompris ! Ne le faites pas ! Ces questions n’intéressent personne… Y aura pas un chat, pas un rat, pas un pelé, pas un tondu…

Et bien nous l’avons fait… Tous ensemble… Vraiment tous ensemble. Artistes, acteurs culturels, élus, membres de partis, fonctionnaires, universitaires, amateurs d’art. Liés à l’Etat de Genève, à la Ville ou à une commune. Artistes indépendants ou salariés d’institutions. Travaillant dans les arts visuels, le cinéma, le théâtre, la littérature, la danse, la musique. Tout ensemble.

C’est donc avec une immense joie qu’aujourd’hui, en tant que président du Forum art, culture et création, je vous accueille, je NOUS accueille, tous ici au Théâtre Am Stram Gram, pour une journée qui vient parachever cette immense entreprise de mise à plat de la culture à Genève.

Pour mémoire, dans un premier temps, le RAAC, Rassemblement des artistes et acteurs culturels, se constitue en février 2007 pour résister à une menace de transfert des charges de l’Etat de Genève vers la Ville de Genève. Dans un deuxième temps, le RAAC propose de mener des Etats généraux de la culture à Genève : ce sera le Forum art, culture et création.

Durant les dix-huit derniers mois, ce sont plus de 200 personnes, impliquées à un titre ou un autre dans l’art et la culture, qui ont mené des discussions, trituré des chiffres, rédigé des projets, des propositions, des synthèses.

Il m’importe ici de les remercier très chaleureusement. De remercier tous les artistes et acteurs culturels qui ont œuvré bénévolement (et certains membres du GroupeForum n’ont pas ménagé leur temps pour porter le processus). De remercier les trois coordinatrices successives, Dominique Perruchoud, Cléa Rédalié et France Jaton, ainsi que le rédacteur du livre, Pierre-Louis Chantre, quatre personnes dont le travail a permis d’assurer la permanence des travaux d’une part, une certaine pérennité de leurs résultats d’autre part. De remercier les élus et les membres de partis qui ont participé activement aux ateliers thématiques. De remercier les communes qui ont soutenu financièrement et intellectuellement le Forum : Carouge, Lancy, Meyrin, Onex, Plan-les-Ouates. De remercier la Loterie Romande de son généreux soutien. De remercier les autorités genevoises, nommément M Patrice Mugny, conseiller administratif, et M Charles Beer, Conseiller d’Etat, tous deux en charge de la culture, qui ont accompagné et financièrement appuyé ce Forum. De remercier enfin les fonctionnaires de ces deux services qui ont mis leur temps, leurs outils analytiques et leurs réflexions au service de cette entreprise.

La matière première de ce Forum, c’est l’information. Sa force, c’est la transdisciplinarité. Les différents modes d’expression artistique ont transcendé leurs revendications propres. Les gens se sont parlé. D’un bord idéologique à un autre, d’une discipline à une autre, de la sphère artistique à la sphère politique.

Je dois avouer qu’en vieux de la vieille du combat pour la défense de la culture à Genève, je garde un souvenir très fort, très ému, des trois mois d’ateliers qui ont réuni des intervenants aussi divers, qui ont permis de croiser les intelligences et les compétences sur des sujets aussi importants que l’urbanisme, la formation, le financement, le statut social de l’artiste,…. Ce foisonnement, ce remue-méninges-là, c’est du jamais vu à Genève, je peux en témoigner.

Je vous rappelle les trois temps de ce Forum : radiographie de la situation, débats, propositions. Nous sommes aujourd’hui dans le troisième temps : celui des propositions. Vous n’entendrez évidemment pas aujourd’hui le résultat de toutes les discussions. Un grand nombre de pistes de travail, plusieurs grands chantiers, notamment sur la formation et sur la marchandisation ne seront pas présentés ici : ce sont pourtant des réflexions qu’il importe de mener plus loin. Il importe aussi de renouer avec la description des problèmes et enjeux culturels genevois en entrant dans les spécificités de chaque discipline. Le Forum se termine, mais le RAAC va poursuivre son travail. Il le faut. Parce que cette nouvelle énergie, ce nouvel esprit, cette nouvelle implication des uns et des autres sont précieux. Ce qui doit perdurer dans les relations entre artistes et politiques, c’est l’esprit de dialogue et de concertation qui a été fondé ces derniers mois. Esprit dont on peut déjà lire les effets dans certaines avancées. Citons notamment :
- l’augmentation de 2’600’000 francs en 2009 sur l’enveloppe de la Ville dédiée aux aides ponctuelles ;
- la création d’un fond intercommunal habilité à soutenir des infrastructures et des projets culturels ;
- l’avancée du projet pour une Nouvelle Comédie ;
- l’avancée du projet pour une Fondation romande du cinéma ;
- l’invitation d’un représentant des artistes, votre serviteur, dans la commission cantonale pour l’aménagement du territoire ;
- L’avancée du projet pour un Pavillon de la danse ;
- la mise en place de la Fondation pour la promotion de la culture émergente, financée par la Fondation Wilsdorf ;

Cette liste ne doit cependant pas cacher les perspectives plus sombres. Notamment la menace qui pèse sur le théâtre de la Parfumerie, le sort très incertain de Mottatom ou de la SIP, les budgets culturels de l’Etat qui stagnent, voire se replient, les crises à répétition entre les autorités et les institutions, comme le Grand Théâtre et les musées.

Il paraît qu’en chinois, le même idéogramme signifie crise et opportunité. Profitons-en ! Ne laissons pas retomber ce formidable élan de réflexion et de discussion. Des lois sur la culture sont en discussion au niveau fédéral, la constituante travaille à Genève, les conceptions urbanistiques sont en refonte sur plusieurs quartiers genevois importants : intégrons ces mouvements de fond pour les transformer. Et profitons même de la crise - c’est ce que l’un de nos invités du jour, Luc Recordon, développera tout à l’heure – oui, profitons même de la crise pour raffermir le champ d’invention de la création artistique et tenter de penser les bouleversements du monde depuis nos postes d’observation que sont la littérature, le cinéma, les arts visuels, la musique, les arts de la scène. Je termine en remerciant chaleureusement Dominique Catton de nous accueillir dans son théâtre. Et en vous souhaitant une très belle journée pour cette troisième et dernière cession du Forum art, culture et création. Avec un dernier conseil : ne ratez pas le magnifique repas de ce soir, dans le foyer, préparé par Cyril Vandenbeusch, qui sait comme nul autre apprêter en artiste les nourritures terrestres.

Le Forum « art, culture et création » est mort, vive le RAAC !

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